Jascha Heifetz, né le 2 février 1901 à Vilnius et mort le 10 décembre 1987 à Los Angeles, est un violoniste russe naturalisé américain (1925).
Enfant prodige, virtuose au talent démoniaque et fer de lance d'une génération qui reste encore l'une des meilleures "cuvées" de l'histoire de son art, le violoniste Jascha (prononcer ïacha) Heifetz mérite de figurer aux cotés d'un Niccolo Paganini ou d'un Joseph Joachim au panthéon des figures les plus marquantes qu'ait jamais connues le violon. Né à l'aube du XXe siècle siècle à Vilna (l'actuelle Vilnius), en Lituanie, Heifetz débute le violon avec son père Reuven à l'âge de trois ans, poursuit dès l'âge de cinq ans sa formation à l'académie Royale de Musique de Vilna (avec Ilva Davidovich Malkin), et fait a Kovno (l'actuelle Kaunas) ses débuts publics l'année suivante (1907) en exécutant brillamment le Concerto de Mendelssohn. Diplômé de l'école de musique à sept ans, Heifetz entreprend une série de tournées en Lituanie et se gagne la réputation d'être « le plus phénoménal des enfants prodiges de son temps». À neuf ans, il entre dans la classe du célèbre Leopold Auer (1845-1930). Dédicataire du concerto de Tchaikovsky (qu'il refusa), et professeur notamment de Nathan Milstein, Auer avait accordé de mauvaise grâce une audition à ce Wunderkind (il détestait viscéralement les soi-disant enfants prodiges) mais il qualifia de « tour de sorcellerie » la prestation que lui offrit Heifetz (le 24e Caprice de Paganini, suivi du Concerto de Mendelssohn) et l'admit dans sa classe sur-le-champ. Débute alors une fulgurante carrière, avec ses premiers enregistrements de disques russes à l'occasion de son dixième anniversaire (six de ces enregistrements ont été retrouvés, sous l'étiquette Gramophon Corporation et Sound Recording, après une éclipse de 90 ans), suivis de son premier concert le 30 avril 1911 à Saint Petersbourg. Suivront l'Allemagne, l'Autriche, et la Scandinavie. Lorsqu'éclate la révolution Russe, en 1917, Heifetz quitte la Russie avec sa famille au prix de grandes difficultés, et émigre aux États-Unis, suivant l'exemple de son professeur, et de la plupart de ses élèves. Ses débuts au Carnegie Hall, le 27 octobre de la même année, devant tous les grands du violon de son temps, restera longtemps dans les mémoires. L'illustre Fritz Kreisler, alors en disgrâce pour avoir été officier autrichien, dira à l'issue de la représentation: « On peut casser nos archets sur nos genoux ». De fait, Heifetz signait l'acte de naissance d'une nouvelle génération de violonistes au talent extraordinaire, celle de David Oïstrakh, de Yehudi Menuhin, et tant d'autres, au détriment de la "vieille école". Suite au concert du Carnegie hall, débute une longue collaboration entre Heifetz et RCA Victor pour une multitude d'enregistrements qui feront date dans l'histoire de la musique, bien qu'on leur reproche une médiocre qualité due à une installation récurrente du micro trop près du violon. Citoyen américain à compter de 1925, Heifetz poursuit sa carrière sur les cinq continents. Refusant de se laisser dicter le contenu de son programme par des considérations politiques, il échappera à une tentative d'assassinat (en 1953) commise par un extrémiste juif de Jérusalem suite à sa décision de persister à jouer une pièce de Richard Strauss, malgré l'hostilité du gouvernement israélien envers ce compositeur soupçonné de sympathies avec le nazisme. Blessé au bras droit à coups de barre de fer, Heifetz devra annuler son dernier concert et ne remettera plus les pieds dans le pays pendant des décennies, bien qu'il soit de confession israélite. Il poursuivra ses activités de concertiste jusqu'en 1962, moment où il estimera devoir se retirer, plutôt que de voir ses capacités décliner et ternir sa réputation. Il se produira cependant à quelques occasions, jusqu'à son ultime concert d'adieu donné en 1972. Acclamé sur les cinq continents, Heifetz se vit pendant ces quelques 65 ans de carrière dédicacer des concertos, notamment de Louis Grünberg et William Walton. Son trio, avec Gregor Piatigorsky (violoncelle) et Arthur Rubinstein (piano) reste aussi l'un des grands moments de l'histoire de la musique. Une fois à la retraite, Heifetz se consacra à l'enseignement et à la musique de chambre entre amis. Parmi ses élèves, le talentueux Erick Friedman reste sans doute le plus connu, mais une génération de violonistes américains reste marquée par cette personnalité exceptionnelle qui s'éteint victime d'un infarctus à Beverly Hills, en 1987.
Au début de sa carrière, il jouait sur un Carlo Tononi, un instrument italien du XVIIIe siècle avec lequel il avait fait ses débuts américains. Puis il avait acheté en 1922 le fameux David, un Guarnerius del Gesù (1742) qui avait appartenu à Ferdinand David puis à Pablo de Sarasate et à August Wilhelmj. Il possédait aussi trois Stradivarius, le Piel (1731), le Dolphin (1714), qui a été aussi l'instrument de Mischa Mischakoff, et le Hochstein (1715) sur lequel avaient joué Joseph Joachim et Franz Kneisel.
Souvent décrit comme froid, dénué de sentiment, et exclusivement virtuose, le jeu d'Heifetz s'est très tôt exposé à des critiques qui n'étaient sans doute pas sans rapport avec une personnalité d'une causticité et d'une austérité sans pareille. S'il est vrai que nombre de ses élèves le décrivent comme un maître tyrannique, parfois cruel, et que personne ne s'est jamais vanté d'avoir vu Heifetz sourire en public, sa sonorité d'une limpidité cristalline et son vibrato extraordinairement chaleureux, mais une conduite des phrases d'une sensibilité hors norme laissent à penser qu'il ne s'est jamais agi que d'un préjugé. Son jeu, d'une virtuosité incomparable ne cède jamais à la vanité ni au numéro de cirque, comme en témoigne la qualité de ses enregistrements de "pièces de genre" notamment sa transcription du Hora Staccato de Dinicu. Malgré une réputation d'avarice et d'antipathie légendaire, beaucoup de ceux qui l'ont connu de près s'accordent à lui trouver un humour et une intelligence extraordinaire. Pierre Amoyal, son seul véritable "élève", décrira comment Heifetz, un jour, lui avait sobrement offert un Guarnerius. Ses séances de master-class filmées par la télévision américaine restent des grands moments d'"humour à froid", mêlé d'une rigueur et d'une exigence terrifiante. « On ne peut être plus exigeant avec les autres qu'on ne l'est avec soi-même », dira le maître un jour. Cela résume certainement une grande part du mystère et de la psychologie de cet homme hors du commun.
source : wikipédia