Germaine Tailleferre, compositrice française, est née à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) le 19 avril 1892 et morte à Paris le 7 novembre 1983.
« Une Marie Laurencin pour l'oreille », c'est ainsi que Jean Cocteau parlait de Germaine Tailleferre, l'unique femme du célèbre Groupe des Six (en compagnie de Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Francis Poulenc). Cette formule qui veut établir une correspondance entre les aquarelles décoratives de Laurencin et la musique de Tailleferre, pour sympathique qu'elle était, n'était pas très appropriée. Naïveté, fraicheur, féminité, ces qualités ont été associées à Tailleferre dès son arrivée au Groupe des Six ; mais au jeu de la comparaison, c'est bien plus à la fauve Sonia Delaunay que l'on associera la musique de Tailleferre qu'à la douce Laurencin tant on trouve dans toute une partie de son œuvre une authentique vigueur parfois teintée, malgré des harmonies d'une grande sensualité, d'une très inattendue austérité. On a trop longtemps considéré que l'œuvre de Tailleferre se réduisait à une série d'œuvres charmantes pour le piano composées dans l'Entre-deux-guerres et que sa carrière de compositrice s'achevait à la Seconde Guerre mondiale. C'était ignorer ou oublier qu'en dehors de ces piècettes, elle composa surtout des œuvres de musique de chambre, des mélodies, deux concertos pour piano, trois études pour piano et orchestre, un concerto pour violon, son remarquable voire imposant Concerto grosso pour deux pianos, huit voix solistes, quatuor de saxophones et orchestre, quatre ballets, quatre opéras, deux opérettes, sans compter de nombreuses autres œuvres pour petits ensembles ou grand orchestre tel cet étonnant Concerto pour deux guitares et orchestre récemment retrouvé et enregistré en 2004 en Allemagne par Chris Bilobram et Christina Altmann. La plupart de ces œuvres majeures furent écrites entre 1945 et sa mort en 1983. Jusqu'à un passé récent, une énorme partie de son œuvre restait inédite. Ce n'est que récemment que l'on a pu mesurer son ampleur et commencer à lui donner ou lui rendre la place qu'elle mérite .
Germaine Tailleferre est née le 19 avril 1892 à Saint-Maur-des-Fossés, dans la banlieue parisienne sous le nom de Marcelle Taillefesse. Sa mère, Marie-Désirée Taillefesse fut contrainte par son père de rompre ses fiançailles pour épouser le jeune Arthur Taillefesse qu'il avait choisi pour la simple raison qu'ils avaient le même patronyme. Ce mariage arrangé fut des plus malheureux, la seule joie de Marie-Désirée étant ses enfants. La jeune Germaine débute le piano avec sa mère et commence très jeune à composer de courtes œuvres. Malgré l'opposition de son père et à l'insu de celui-ci, elle entre au Conservatoire de Paris en classe de piano et de solfège et remporte son premier prix de solfège. Ce succès met un terme à l'opposition de son père qui l'autorise à continuer ses études tout en refusant d'en assurer le financement... Un certaine prise de conscience doublée d'un léger désir de vengeance, lui fait changer le très doublement risqué patronyme de Taillefesse en Tailleferre. Tailleferre rencontre alors Darius Milhaud, Georges Auric et Arthur Honegger au Conservatoire de Paris en 1912 et commence à fréquenter dans le milieu artistique de Montmartre et de Montparnasse, Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin, Paul Fort, Fernand Léger et le sculpteur Emmanuel Centore, qui épousera Jeanne, la sœur de Tailleferre. En 1913, elle remporte le premier prix de Contrepoint et d'Harmonie au Conservatoire et en 1915, le premier prix de Fugue. Son cercle d'amis s'agrandit bientôt en 1917 de Picasso et de Modigliani, et c'est dans l'atelier de l'un de ces peintres amis qu'a lieu le 15 janvier 1918 le premier concert des "Nouveaux Jeunes" dont font partie Francis Poulenc et Louis Durey. Au programme, Jeux de plein air et sa Sonatine pour quatuor à cordes, qui allait devenir plus tard par l'addition d'un troisième mouvement, le Quatuor à cordes. C'est au critique musical Henri Collet que l'on doit l'invention du concept Les Six, en souvenir du Groupe des Cinq. Deux articles publiés en 1920, dans le journal Comœdia, sont les écrits fondateurs du désormais célèbre Groupe des Six. Même si leurs activités de groupe furent très peu nombreuses, ils devaient rester amis jusqu'à la fin de leur jours. La rumeur qui veut que Durey provoqua la fin du Groupe des Six en refusant de participer aux Mariés de la Tour Eiffel n'est pas exacte. L'œuvre devait à l'origine être écrite par le seul Auric qui se trouvant pris par le temps ne pouvait achever cette commande. Il fit alors appel à ses amis qui devaient se partager le travail. Durey pour la seule raison qu'il n'était pas à Paris à ce moment ne participa pas au projet. L'esprit du Groupe des Six a si bien survécu à ses membres que vingt ans après la mort du dernier d'entre eux, enfants et amis continuent de se fréquenter. La Première Sonate pour violon et piano de Tailleferre a été écrite pour Jacques Thibaud, le célèbre violoniste dont elle était l'amie. Elle fut créée à Paris en 1922 par Thibaud lui-même et Alfred Cortot. L'année 1923 voit son ballet le Marchand d'oiseaux connaître le succès avec les Ballets Suédois. La Princesse de Polignac passa commande à Tailleferre d'un Concerto pour piano dans le même style néo-classique que le Marchand d'oiseaux et qui fut créé avec succès par Alfred Cortot. C'est à cette époque que Tailleferre commence à passer beaucoup de son temps avec Maurice Ravel à Montfort-l'Amaury. Elle l'avait rencontré à Saint-Jean-de-Luz près de Biarritz en 1919-1920. Ravel fit l'apologie des œuvres de Tailleferre et l'encouragea à préparer le Prix de Rome. La relation entre Tailleferre et Ravel fut simplement artistique. Ravel s'intéressait aux jeunes compositeurs et donna à Tailleferre avis et conseils tant en matière d'écriture que d'orchestration. Ces visites régulières ponctuées de longues promenades autour de Montfort se terminaient toujours par de longues et épuisantes heures au piano; elles prirent fin mystérieusement en 1930, et Tailleferre ne revit plus jamais Ravel. Elle refusa toujours, même à ses proches, d'en donner les raisons. En 1925, Tailleferre épouse le caricaturiste américain Ralph Barton et s'installe à Manhattan. Elle se lie avec les amis de son mari et en particulier avec Charlie Chaplin. C'est pendant cette période qu'elle compose son Concertino pour harpe, œuvre dédiée à son mari. Mais Barton prend quelque peu ombrage du succès de sa femme et ce n'est pas sans difficulté qu'elle compose pendant cette période. En 1927, à la demande de Barton, le couple s'installe en France, et Tailleferre reçoit commande de Paul Claudel d'une musique pour son ode en l'honneur du scientifique Marcellin Berthelot, et intitulée Sous le rempart d'Athènes. La partition originale de cette œuvre a hélas disparu, mais une reconstitution en a été faite par le compositeur Paul Wehage. Tailleferre compléta aussi le ballet la Nouvelle Cythère qui avait été programmé pour la saison 1929 des Ballets Russes et annulé du fait de la mort soudaine de Diaghilev. Pendant de nombreuses années, on crut l'œuvre perdue, mais la version pour deux pianos est maintenant publiée. Une orchestration pour orchestre symphonique et une autre pour orchestre d'harmonie a été réalisée par le spécialiste de Tailleferre, Paul Wehage. L'année 1929 voit la fin de son mariage avec Ralph Barton qui devait se suicider quelques mois après son retour en Amérique. Ses Six chansons françaises sont sans doute une réaction à son divorce; elle utilise des textes du XVe siècle au XVIIIe siècle qui parlent de la condition féminine. Chaque œuvre est dédiée à une amie femme; elles sont l'un des rares exemples de féminisme dans l'œuvre de Tailleferre. Durant l'année 1931, le principal projet de Tailleferre est son opéra-comique Zoulaina qui n'a jamais été monté et dont il n'existe qu'un manuscrit à l'exception de la fameuse Ouverture qui est l'une des œuvres les plus jouées de Tailleferre. Le 4 juin 1931, elle donne naissance à Boulogne à son unique enfant, Françoise. En 1932, elle épouse le père de sa fille, le juriste français Jean Lageat. Une fois encore, le mariage devient un obstacle à sa carrière de compositrice, son nouveau mari ne manifestant pas plus de soutien que le précédent à ses activités musicales. En dépit même d'une forme d'opposition, Tailleferre reste très productive pendant cette période, composant la Suite pour orchestre de chambre, le Divertissement dans le style de Louis XV, son Concerto pour violon qui avait été perdu dans sa forme originale (la Deuxième Sonate pour violon et piano est une réduction du concerto, sans la cadence) ainsi que son chef-d'œuvre, le Concerto grosso pour deux pianos, quatuor de saxophones, huit voix solistes et orchestre (1934). Elle inaugure aussi une longue série de musiques de films. En 1937, elle collabore avec Paul Valéry pour sa Cantate du narcisse, pour soprano, baryton, chœur de femmes et cordes. Au début de 1942, Tailleferre complète ses Trois Études pour piano et orchestre dédiées à Marguerite Long. L'occupation allemande l'incite avec sa sœur à tenter la traversée vers les États-Unis. Elles gagnent l'Espagne puis le Portugal d'où elles embarquent pour les États-Unis. Elles passeront les années de guerre à Philadelphie. Elle compose peu pendant cette période, s'occupant surtout de sa fille. Elle écrit néanmoins un Ave maria pour voix de femmes a cappella créé au Swarthmore College qui est perdu. Tailleferre revient en France en 1946 et se réinstalle à Grasse, près de Nice. Sa relation avec Lageat s'était déteriorée mais le couple restait marié. Sa première œuvre importante à son retour en France est le ballet Paris-Magie qui fut créé à l'Opéra-Comique en 1949, suivi de Il était un petit navire sur un livret de Henri Jeanson. Cette œuvre fut, à de rares exceptions, très mal reçue par les critiques. L'œuvre resta peu de temps à l'affiche et ne fut pas éditée. C'est à cette époque qu'elle écrit son Second Concerto pour piano, qui est perdu, sa fameuse Sonate pour harpe, le Concertino pour flûte, piano et orchestre, la comédie musicale Parfums, écrite pour Monte-Carlo en 1951 et qui est aussi perdue... et le ballet Parisiana créé à Copenhague en 1953. En 1955, Lageat et Tailleferre divorcent finalement et la fille de Germaine, Françoise, donne naissance à sa fille, Elvire. Cette même année, Tailleferre rédige sa série de cinq petits opéras comiques Du style galant au style méchant pour Radio France. Les années suivantes elle écrit le Concerto des vaines paroles (texte de Jean Tardieu) qui a disparu à l'exception du premier mouvement Allegro concertant. En 1957, au cours d'une brève période d'expérimentaion de la technique dodécaphonique, elle compose son opéra la Petite sirène ainsi que sa Sonate pour clarinette solo ainsi qu'une œuvre dédiée au duo de pianos Gold and Fitzdale, la Toccata pour deux pianos. Cette période s'achève avec son opéra le Maître d'après une pièce d'Eugène Ionesco. Pendant les années 1960, elle compose de nombreuses musiques de film ainsi qu'un Concerto pour deux guitares, un Hommage à Rameau pour deux pianos et deux percussionnistes. Avec Bernard Lefort, baryton qui allait devenir directeur de l'Opéra de Paris, elle forme un duo qui fera des tournées dans l'Europe entière. Le même Lefort fera partie jusqu'à la mort de Tailleferre de ses amis les plus fidèles. En 1970, elle devient professeur à la Schola Cantorum mais doit renoncer en raison du manque d'élèves. Elle rencontre alors le chef de l'orchestre des Gardiens de la Paix Désiré Dondeyne qui l'encourage à écrire pour orchestre d'harmonie et l'aidera à concrétiser certains projets.
Elle accepte, à 84 ans, de devenir « en voisine » accompagnatrice pour les enfants à l'École alsacienne, l'une des plus célèbres écoles privées de Paris. Ce poste qui lui apporte un petit complément de retraite, lui permet surtout de garder une activité extérieure et d'achever une dernière série d'œuvres parmi lesquelles la Sonate pour deux pianos, la Sérénade en la mineur pour quatre vents et piano ou clavecin, l'Allegro concertant "les Vaines paroles" et la Sonate champêtre pour trois vents et piano. Sa dernière œuvre importante sera écrite à l'occasion d'une commande du Ministère de la Culture, et c'est une compositrice de 89 ans qui écrira le Concerto de la fidelité pour voix aigües et orchestre (orchestration de Désiré Dondeyne), qui est une reprise d'une partie d'une œuvre antérieure. Tailleferre composera jusqu'à ses derniers instants. Elle meurt le 7 novembre 1983 à Paris. Elle est enterrée au cimetière communal de Quincy-Voisins près de Meaux. Une rue d'Arcueil porte son nom depuis 1987, ainsi qu'une autre à Quincy-Voisins depuis novembre 2003.
source : wikipédia